Former autrement à des métiers émergents
Parmi les établissements qui se sont attaqués au défi d’une «formation à des métiers qui n’existent pas», le plus original est sans doute « 42 », l’école créée par Xavier Niel et Nicolas Sadirac avec l’ambition de former (gratuitement) mille développeurs informatiques par an, soit 20% des besoins de la France.
C’est une école ouverte, accueillant après une sélection sévère tous ceux qui prouvent qu’ils sont très motivés par l’informatique, passionnés par la programmation et prêts à beaucoup travailler.
Le candidat arrive aux épreuves de sélection avec sa motivation et sa volonté de réussir, et il doit faire la preuve de ses capacités de calcul, de déduction, de raisonnement logique, mais personne ne lui demande s’il a un quelconque diplôme : il n’y a aucun « prérequis », et d’ailleurs quel pourrait-il être ? Les créateurs de l’école sont convaincus que « les qualités pour réussir dans le monde du numérique n’ont aucun rapport avec celles validées par le système scolaire traditionnel »[1].
Il n’y a pas de cours magistraux au « 42 ». On ne cherche pas à accumuler des connaissances, puisque tout est disponible sur le web. Il faut en revanche acquérir la capacité de trouver rapidement la bonne information quand on en a besoin.
La formation se fait entièrement en réalisant des projets de taille et de difficulté variables qui obligent à faire preuve d’initiative, d’ingéniosité et de créativité pour atteindre ses objectifs. Selon le principe de la « classe inversée », l’élève étudie les supports, qui sont en ligne, avant de s’attaquer à l’un des projets qui lui ont été attribués. L’école est ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, et dans ses trois étages d’open space 750 ordinateurs sont alignés. On peut y travailler seul, mais la plupart du temps les élèves se retrouvent en petits groupes. La pédagogie est basée sur la collaboration, le peer-to-peer : chacun apprend en échangeant avec les autres, en profitant de la diversité des expériences et des connaissances. Et in fine l’évaluation du travail est faite par les pairs ; l’encadrement (quinze enseignants pour 1 700 élèves) fournit seulement des grilles pour faciliter la notation.
Le but : former des professionnels autonomes et « agiles »
Le but est qu’au bout de trois ans tous les étudiants soient devenus d’excellents développeurs, parfaitement à l’aise avec le codage, mais surtout des professionnels capables de se sortir de toutes les situations, même les plus délicates. L’accent est mis sur l’autonomie, le « do-it-yourself » (système D, en français), la faculté d’adaptation, la rapidité, l’agilité, le fonctionnement en équipe et en réseau. Trois années de ce régime permettent de faire le pari que le jour ou l’ancien de « 42 » devra pratiquer un métier qui n’existait pas à l’époque de son apprentissage, il saura construire les process et imaginer les outils nécessaires, en s’appuyant sur ses pairs, dans les communautés de pratiques dont il fait partie. Ce n’est encore qu’un pari, puisque l’école n’a que deux ans de fonctionnement. On verra les résultats dans quelques années…
[1] Nicolas Sadirac, co-fondateur de « 42 ».