Il y a juste quarante ans, en 1977, paraissait aux PUF « Crise de la prévision, essor de la prospective », un livre de 188 pages tiré par Michel Godet de sa thèse de doctorat en sciences économiques. Michel a 29 ans. Il est ingénieur en chef à la SEMA, florissante société d’études dirigée par Jacques Lesourne.
Le quatrième de couverture
« L’histoire économique récente est marquée par de fréquentes erreurs de prévisions ; la répétition de ces erreurs et notamment l’absence de prévision des crises économiques expliquent la crise de la prévision et l’essor de la prospective. Les praticiens des entreprises et des administrations, les universitaires et plus généralement tous ceux qui doivent sinon établir des prévisions du moins s’en servir ou y réfléchir sont amenés un jour ou l’autre à se poser les questions suivantes :
- quelles sont les causes des erreurs de prévision ?
- que peut-on attendre des modèles économétriques ?
- en quoi la prospective diffère-t-elle de la prévision ? – où en sont les nouvelles méthodes prospectives (analyse structurelle, impacts croisés, scénarios) et quel est leur apport ?
- une synthèse est-elle possible entre les approches « littéraire » et « formalisée » ?
- que faut-il penser des modèles mondiaux ?
- finalement quel est l’avenir de la prospective ?
A toutes ces questions ce livre apporte des réponses d’autant plus pertinentes qu’elles sont le fruit d’une longue pratique des études prospectives dans des domaines aussi divers que l’énergie, le transport, l’agriculture, les relations internationales, etc.
Au-delà de la réflexion théorique et de l’exposé méthodologique, cet ouvrage comprend aussi des études de cas et propose notamment une nouvelle lecture rétrospective et prospective de la crise énergétique à la lumière de la stratégie des acteurs en présence.
L’appréciation de Pierre-Frédéric Gonod
(P-F. Gonod & J-L. Gurtler, Évolution de la prospective, Revue OCL, vol. 9. n° 5. 09/2002).
« Crise de la prévision, essor de la prospective joua un rôle positif, il était à contre-courant de la vague économétrique dont la sophistication mathématique était (et reste) inversement proportionnelle à la pauvreté́ de l’analyse. »
La critique d’Alfred Sauvy
(Le Monde, 14/06/ 1977)
« Depuis un siècle, ceux qui essaient de supputer les conséquences à venir des rouages présents cherchent une terminologie propre à conjurer la réputation contestable des prophètes. La science a un tel souci d’écarter la divination que la prospective est aujourd’hui dans le ton. Peu importent du reste les termes ; seules comptent les méthodes, sinon les résultats.
Que l’avenir multiple soit une clé d’explication du présent, nous l’acceptons volontiers ; que le refus du déterminisme ne contredise pas le principe de causalité n’est que trop évident. Il s’agit, en définitive, de tracer plusieurs trajectoires vers plusieurs avenirs, sans exercer nécessairement de choix. Les démographes ont agi il y a plus d’un demi-siècle en ce sens, à l’époque même d’André Breton, souvent évoqué ici, et de Paul Valéry, également cité, auteur de l’Imprévisible.
Nous en venons tout naturellement à considérer des » systèmes « , ou plutôt nous les prenons pour point de départ, et ils nous conduisent au séduisant domaine des scénarios, où » l’imagination doit s’exprimer librement » ; soit.
Deux exemples sont donnés : le transport aérien dans la région parisienne (que n’avons-nous New-York ?) et l’énergie, selon les projets de divers acteurs (Nord, Sud, Nord-Sud, etc.). En fin de compte, le prospectus (ou prospectiviste) en vient à fixer d’abord l’avenir, c’est-à-dire à se proposer un objectif, puis à chercher le cheminement qui permettra de le réaliser. Tel est le cas, notamment de la dernière étude mondiale de M. Léontief, pour les Nations unies. Nous sommes, en effet, à l’opposé de la prévision classique.
Et, avec plus d’ingénuité que de malice, l’ingénieur de la SEMA et de Matra conclut sur « l’avenir de la prospective ». »
La recension de Paul Longone
(Population, 33e année, n°4-5, 1978. p. 1041).
L’auteur, praticien réputé́ en prospective, vulgarise avec précision et clarté́ les méthodes d’appréhension de l’avenir. La prévision classique est impuissante ou présomptueuse dans le domaine social où tout bouge à la fois. La prospective grâce à son caractère global, qualitatif, à la prise en compte de la complexité́ des systèmes et à la combinaison d’une approche « littéraire » comme dit l’auteur et mathématique du sujet, réduit le champ des erreurs grossières tout en élargissant celui du possible. La méthode des scénarios, l’analyse structurelle des systèmes sont clairement exposées et complétées par l’étude prospective de deux cas concrets : l’avenir énergétique mondial et celui des transports aériens en région parisienne.
G., enthousiaste de sa spécialité́, conclut que « la prospective met l’imagination au pouvoir » et qu’elle est donc révolutionnaire, contrairement à Marx qui écrivait que « quiconque compose un programme de société́ future est réactionnaire ».